Où est la vérité ? Est-ce une folle amoureuse ou une amoureuse folle ? Cette jeune fille frêle, tour à tour décrite comme une force venimeuse et une faiblesse contaminée. La vérité se promenant, encore et toujours, inlassablement. A ce moment précis, il est évident qu’elle ne semble pas paniquer. Elle parlera d’un état second. Un état où la réalité est une forme floue, comme les images des rêves parsemés de points multicolores.
"Il faut toujours avoir un Foenkinos dans sa Pal".
Un couple d’étudiants qui s’aiment d’un amour fou et exclusif. Des idéaux, une volonté de révolte contre la société. Une marginalisation progressive. Un coup qui tourne mal… tel est le sujet de ce roman poignant, inspiré d’un fait divers qui a marqué les esprits en 1994, l’affaire Rey-Maupin, peu après les révoltes étudiantes contre le CIP…
Un roman poignant, donc, qui m’a totalement déstabilisée. Je n’ai pas reconnu mon Foenkinos. Je m’attendais, comme d’habitude, à un roman léger qui allait me perfuser à l’optimisme (oui, j’avoue : je l’ai acheté les yeux fermés, sans lire la quatrième de couverture), et je me suis retrouvée propulsée dans un univers extrêmement sombre, anxiogène, au milieu d’une histoire d’amour passionnelle et destructrice. Ce qui ne veut absolument pas dire que je n’ai pas aimé, car la magie Foenkinos a fonctionné malgré tout, et c’est d’ailleurs la force d’un grand romancier que de savoir surprendre son lecteur, le décontenancer, le faire sortir de sa zone de confort et le pousser dans ses retranchements. Et, pour le coup, c’est totalement réussi : l’atmosphère est vite étouffante, et l’issue fatale, connue, est rappelée régulièrement par le narrateur, comme une sorte de leitmotiv lancinant martelant l’inéluctabilité du destin, menace qui plane sur ce jeune couple. C’est angoissant, c’est dur, c’est cruel et en même temps, c’est beau, car à travers les deux protagonistes et notamment la jeune fille, car c’est à elle que s’intéresse surtout le narrateur (personnage de l’histoire mais seulement en témoin très éloigné), c’est le portrait d’une génération qui nous est donné à voir ici : révoltée, haineuse à l’encontre de la société et de l’ordre établi, pas encore désillusionnée alors que les utopies sont déjà à l’agonie, cette jeunesse se radicalise et se montre prête à sombrer dans le terrorisme et la folie meurtrière. Mais ce que montre surtout Foenkinos avec maestria, s’engouffrant dans les brèches du réel, c’est l’engrenage fatal et tragique de la passion amoureuse qui entraîne le jeune couple dans une machine infernale dont ils ne pourront sortir. Un peu Bonnie and Clyde, beaucoup Roméo et Juliette, ils incarnent ici une version contemporaine du mythe des amants tragiques…
Ce roman est donc une grande claque qui fait du bien, une vraie leçon de littérature dans laquelle Foenkinos montre toute l’étendue de son immense talent dans un registre où on ne l’attend pas forcément…
Les Coeurs autonomes
David FOENKINOS
Grasset, 2006 (Livre de poche, 2012)
2. Amours Tragiques
Classé dans:Challenge amoureux, Elle lit... des romans Tagged: affaire Rey-Maupin, amants tragiques, fait divers, foenkinos